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Extraits d'un article signée Agnès Giard.
« C'est l'histoire d'un étudiant américain âgé de dix-huit ans, Simon, et de sa petite amie, dix-neuf ans. Ils s'aiment, ils ont des relations sexuelles. Un jour, Simon, qui manque de confiance en lui-même, demande à sa petite amie si elle peut le sucer. "Il pensait se montrer aguicheur en faisant sa demande" mais c'est un peu raté. Elle le suce sans entrain. Au bout de trente secondes, voyant qu'elle n'y prend pas plaisir, Simon, arrête tout. Plusieurs mois passent. Le malheur veut qu'ils se séparent. Simon apprend qu'une plainte est déposée contre lui. Après une brève audience à huis clos, le voilà expulsé de l'Université pour avoir fait usage de "contrainte émotionnelle et verbale" envers son ex-copine. Simon se voit "attribuer pour la vie l'étiquette de délinquant sexuel", résume Laura Kipnis. Cela signifie qu'il ne pourra plus continuer ses études, car les établissements refusent les candidats reconnus coupables de "mauvais comportement". »
« Des exemples comme celui-là, Laura Kipnis en a des tonnes. Aux États-Unis, elle est devenue l'archiviste des cas d'injustice les plus flagrants du système. Le système, dit-elle, transforme en "agression sexuelle" le simple fait de demander une fellation. "Combien de postulats rétrogrades sur le sexe n'accrédite-t-on pas au nom de la lutte contre les agressions ! Non seulement la capacité d'agir de la femme a-t-elle été dans ce cas complètement gommée, mais notez la prémisse implicite du raisonnement : les étudiantes ne sont pas les égales des hommes en matière de force émotionnelle ou de maîtrise de soi, et elles requièrent qu'une horde d'administrateurs universitaires viennent pallier leur faiblesse. Autre prémisse implicite : le sexe est dangereux, et pendant ces trente secondes la femme a subi une blessure suffisamment grave pour exiger une réparation officielle." »
« Dans Le Sexe polémique, un livre à charge magnifiquement traduit aux éditions Liber, Laura Kipnis attaque. Le système de la délation, dit-elle, est une forme d'hystérie encouragée par les institutions qui prétendent le faire au nom de l'égalité entre les sexes. En Amérique, ces institutions sont les administrations des Universités, grassement payées pour garantir l'ordre. Il s'avère que le ministère de l'Éducation prive de financement tout établissement qui n'appliquerait pas strictement le titre IX (une loi contre la discrimination sexuelle). Pour montrer patte blanche, les Universités ont donc créé des Comités de surveillance qui ne peuvent justifier leur existence qu'en trouvant des coupables, c'est-à-dire en les créant de toutes pièces sur la base de simples rumeurs. Il suffit qu'une enseignante "soupçonnée" d'être lesbienne parle à deux étudiantes en chuchotant (parce qu'elles se trouvent dans une bibliothèque et qu'il est interdit d'y parler à voix haute). Elle est convoquée sans savoir de quoi on l'accuse, puis suspendue. »
« Faut-il voir une avancée dans ce mouvement qui encourage les femmes à porter plainte dès lors qu'une relation s'est mal passée ? Pourquoi les Comités soutiennent-ils les élèves même quand leur plainte est, de toute évidence, le résultat d'une confusion, d'un mal-être, d'un mélange mal digéré de culpabilité, de rancune et d'ignorance ? À qui profitent ces faux procès ? Pas aux femmes, répond Laura Kipnis. Celles-ci sont les premières victimes de la police des mœurs, pour deux raisons. La première raison, c'est que la bureaucratie accroît son pouvoir sur la base d'un discours doloriste qui cantonne systématiquement les femmes dans le rôle de proies passives, influençables, fragiles, incapables de savoir ce qu'elles veulent, inaptes à décider de leur sort. Bref, on fait d'elles des idiotes immatures. […] La deuxième raison c'est que loin de faire baisser le nombre de viols, le paternalisme contribue probablement à les augmenter. […] En surprotégeant la femme on la dissuade de se prendre en charge. […] On l'encourage à se percevoir comme une proie passive, et non pas comme une personne qui sait ce qu'elle veut, qui fait ce dont elle a envie. On la persuade que si ça se passe mal, ce sera toujours la faute de l'autre (puisque l'autre est un prédateur). Mais qu'en est-il dans la réalité ? »
« Dans le vrai monde, faire des expériences, c'est prendre des risques et accepter la part d'échec qui va avec. Comment rendre les femmes fortes avec un discours permanent de mise en garde contre les périls du sexe ? "Être maître de son propre corps, surtout pour les femmes, est un talent qui s'acquiert et qu'on doit enseigner", soutient Laura Kipnis, critiquant avec véhémence le discours sécuritaire (puritain) dominant. »
« C'est l'histoire d'un étudiant américain âgé de dix-huit ans, Simon, et de sa petite amie, dix-neuf ans. Ils s'aiment, ils ont des relations sexuelles. Un jour, Simon, qui manque de confiance en lui-même, demande à sa petite amie si elle peut le sucer. "Il pensait se montrer aguicheur en faisant sa demande" mais c'est un peu raté. Elle le suce sans entrain. Au bout de trente secondes, voyant qu'elle n'y prend pas plaisir, Simon, arrête tout. Plusieurs mois passent. Le malheur veut qu'ils se séparent. Simon apprend qu'une plainte est déposée contre lui. Après une brève audience à huis clos, le voilà expulsé de l'Université pour avoir fait usage de "contrainte émotionnelle et verbale" envers son ex-copine. Simon se voit "attribuer pour la vie l'étiquette de délinquant sexuel", résume Laura Kipnis. Cela signifie qu'il ne pourra plus continuer ses études, car les établissements refusent les candidats reconnus coupables de "mauvais comportement". »
« Des exemples comme celui-là, Laura Kipnis en a des tonnes. Aux États-Unis, elle est devenue l'archiviste des cas d'injustice les plus flagrants du système. Le système, dit-elle, transforme en "agression sexuelle" le simple fait de demander une fellation. "Combien de postulats rétrogrades sur le sexe n'accrédite-t-on pas au nom de la lutte contre les agressions ! Non seulement la capacité d'agir de la femme a-t-elle été dans ce cas complètement gommée, mais notez la prémisse implicite du raisonnement : les étudiantes ne sont pas les égales des hommes en matière de force émotionnelle ou de maîtrise de soi, et elles requièrent qu'une horde d'administrateurs universitaires viennent pallier leur faiblesse. Autre prémisse implicite : le sexe est dangereux, et pendant ces trente secondes la femme a subi une blessure suffisamment grave pour exiger une réparation officielle." »
« Dans Le Sexe polémique, un livre à charge magnifiquement traduit aux éditions Liber, Laura Kipnis attaque. Le système de la délation, dit-elle, est une forme d'hystérie encouragée par les institutions qui prétendent le faire au nom de l'égalité entre les sexes. En Amérique, ces institutions sont les administrations des Universités, grassement payées pour garantir l'ordre. Il s'avère que le ministère de l'Éducation prive de financement tout établissement qui n'appliquerait pas strictement le titre IX (une loi contre la discrimination sexuelle). Pour montrer patte blanche, les Universités ont donc créé des Comités de surveillance qui ne peuvent justifier leur existence qu'en trouvant des coupables, c'est-à-dire en les créant de toutes pièces sur la base de simples rumeurs. Il suffit qu'une enseignante "soupçonnée" d'être lesbienne parle à deux étudiantes en chuchotant (parce qu'elles se trouvent dans une bibliothèque et qu'il est interdit d'y parler à voix haute). Elle est convoquée sans savoir de quoi on l'accuse, puis suspendue. »
« Faut-il voir une avancée dans ce mouvement qui encourage les femmes à porter plainte dès lors qu'une relation s'est mal passée ? Pourquoi les Comités soutiennent-ils les élèves même quand leur plainte est, de toute évidence, le résultat d'une confusion, d'un mal-être, d'un mélange mal digéré de culpabilité, de rancune et d'ignorance ? À qui profitent ces faux procès ? Pas aux femmes, répond Laura Kipnis. Celles-ci sont les premières victimes de la police des mœurs, pour deux raisons. La première raison, c'est que la bureaucratie accroît son pouvoir sur la base d'un discours doloriste qui cantonne systématiquement les femmes dans le rôle de proies passives, influençables, fragiles, incapables de savoir ce qu'elles veulent, inaptes à décider de leur sort. Bref, on fait d'elles des idiotes immatures. […] La deuxième raison c'est que loin de faire baisser le nombre de viols, le paternalisme contribue probablement à les augmenter. […] En surprotégeant la femme on la dissuade de se prendre en charge. […] On l'encourage à se percevoir comme une proie passive, et non pas comme une personne qui sait ce qu'elle veut, qui fait ce dont elle a envie. On la persuade que si ça se passe mal, ce sera toujours la faute de l'autre (puisque l'autre est un prédateur). Mais qu'en est-il dans la réalité ? »
« Dans le vrai monde, faire des expériences, c'est prendre des risques et accepter la part d'échec qui va avec. Comment rendre les femmes fortes avec un discours permanent de mise en garde contre les périls du sexe ? "Être maître de son propre corps, surtout pour les femmes, est un talent qui s'acquiert et qu'on doit enseigner", soutient Laura Kipnis, critiquant avec véhémence le discours sécuritaire (puritain) dominant. »