4214 shaares
« On entend tellement parler de la pression des marchés financiers sur les États qu'on finit par imaginer que ces pauvres États sont tombés dans un grand piège orchestré par de méchantes banques et qu'ils s'y débattent depuis, prisonniers d'une idéologie mortifère. Et on se berce alors de grands plans de liquidation générale des dettes, au moins publiques. La réalité n'est pas plus gaie, mais assez différente. […] Il y a d'abord cette idée farfelue selon laquelle avant 1973 l'État pouvait être en déficit tant qu'il voulait, la Banque de France le finançant par des avances gratuites. Il suffit pourtant d'ouvrir un livre d'histoire pour voir qu'il n'y a jamais eu d'époque magique où l'État pouvait dépenser ce qu'il voulait, la banque centrale créant sans inconvénient de la monnaie pour couvrir le déficit. […] On a changé de monde en 1983 lorsqu'on a instauré en France le système de financement continu de l'État sur les marchés. […] Cela réduit fortement les taux, car le marché financier est bien moins cher que l'emprunt public. Et donc le défaut du système actuel est exactement l'inverse de ce qu'en disent ses détracteurs : il donne aux irresponsables qui gouvernent depuis quarante ans la faculté de dépenser bien au-delà du raisonnable. […] Il y a ensuite la répudiation. Mais croire qu'on peut répudier sans risque notre gigantesque dette publique […], on rêve. D'autant que les créances sur l'État ne sont pas principalement détenues par les banques [...] mais (outre les investisseurs étrangers) par des institutions d'épargne, SICAV et compagnies d'assurance-vie, caisses de retraite, etc. Veut-on vraiment les spolier ? Bien sûr, si on est acculé, on ne peut pas faire autrement, mais c'est en général une opération violente, et à court terme très dure. Et qui dans le cas de la France déclencherait une crise financière majeure, compte tenu de la masse concernée. […] De toute façon […],On n'échappera pas à l'assainissement des déficits publics. Et donc la démarche essentielle pour s'affranchir de la finance, c'est pas de déficit. »